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rue de Marignan 75008 Paris |
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LES GENS DU VOYAGE: LE CHOIX DE L'EQUILIBRE
Définir un nouvel équilibre entre les besoins exprimés par les populations nomades et le souci des élus d'éviter les stationnements illicites. En dépit de l'opposition du Sénat, le projet de loi relatif à l'accueil des gens du voyage réaffirme avec force et détermination, la nécessité d'une cohabitation harmonieuse entre sensibilités culturelles différentes sur le territoire national.
Eviter les stationnements illicites, en tenant compte des tensions provoquées par l'implantation de peuples itinérants ou semi-sédentaires. L'accueil des gens du voyage se déroule rarement dans la sérénité. Aux prises avec des intérêts contradictoires, les élus sont confrontés à un véritable casse-tête pour résoudre un problème récurrent qui trahit l'existence de tensions culturelles profondes.
Cette
situation se solde par un décalage constant entre l'offre et la demande. Conséquence
: l'hostilité fréquente des riverains opposés à l'aménagement d'aires réglementées,
à proximité de leur lieu d'habitation.
Le sujet soulève de nombreuses polémiques et des conflits locaux importants.
En témoignent les âpres discussions qui ont animé les débats à l'Assemblée
nationale, ces derniers mois, sur fond d'enjeux électoraux.
Faute d'incitations financières suffisantes et de dispositions contraignantes, la loi du 31 janvier 1990 relative à la mise en œuvre du droit du logement n'a pas eu les effets escomptés. L'article 28 prévoyait l'élaboration d'un " schéma départemental ", assorti d'une obligation faite aux communes de plus de 5 000 habitants de disposer d'un lieu spécialement aménagé pour les populations nomades.
Pour les collectivités de taille modeste, la jurisprudence exige que chaque maire désigne des terrains de passage bénéficiant d'un équipement minimum. Seules les municipalités ayant satisfait à ces prescriptions sont habilitées à interdire le stationnement des caravanes. Dix ans après l'élaboration de la loi Besson, le bilan se révèle plutôt décevant. Sur 1 739 localités concernées par cette disposition, 358 ont procédé à l'aménagement d'un terrain, tandis que 47 départements ont défini un schéma départemental. A ce jour, près de 10 000 places restent disponibles, dont 6 000 bénéficient d'une infrastructure destinée à un séjour de longue durée (les besoins globaux sont estimés à 30 000 places environ).
Au
total, moins d'un quart des communes concernées a réalisé une aire d'accueil…
Ce constat appelait des mesures d'urgence.
Sous l'impulsion du ministre du Logement, un groupe de députés socialistes,
conduit par Daniel Vachez, s'est attelé à la tâche, en liaison étroite avec
le gouvernement. Un travail récompensé par la présentation d'un dispositif,
en cours de discussion au Parlement. " Ce texte ne prétend nullement régler
l'ensemble des problèmes auxquels sont confrontés les gens du voyage ", convient
Raymonde Le Texier, rapporteur du projet de loi. " Il fixe une priorité et
établit un préalable nécessaire : assurer une offre plus importante et adaptée
aux besoins ".
Le 24 février dernier, l'Assemblée nationale a adopté, en deuxième lecture,
une proposition qui traite de deux questions prioritaires : le stationnement
et l'habitat. L'occasion, pour les députés, de rétablir l'essentiel du texte
voté préalablement et substantiellement modifié par le Sénat… " La majorité
sénatoriale a adopté une attitude d'opposition systématique, déplore la députée
du Val d'Oise.
En affirmant que l'accueil des gens du voyage relevait de la seule responsabilité
de l'Etat, elle s'est enfermée dans un étrange paradoxe ; tout en exigeant
que celui-ci prenne ses responsabilités, elle lui a retiré toutes les dispositions
susceptibles de répondre à cette exigence : suppression de la limite à dix-huit
mois pour établir les schémas départementaux et de la limite de deux ans pour
réaliser des aires, impossibilité pour le préfet de mettre en œuvre le schéma
départemental et de recourir à son droit de substitution… ".
Le dispositif gouvernemental vise à accélérer la construction d'espaces spécialement aménagés dans les communes de plus de 5 000 habitants, en réaffirmant l'obligation de participer à la mise en œuvre du schéma départemental d'implantation des aires. Il prévoit également l'établissement de lieux d'accueil ou une participation à leur financement. En cas de non-respect de la législation, le préfet pourra se substituer au maire et utiliser la procédure d'inscription des dépenses obligatoires.
Elaboré par le représentant de l'Etat et le président du conseil général, ce schéma doit être approuvé conjointement, après consultation des communes concernées, dans un délai de dix-huit mois suivant la publication de la loi. Passé ce délai, le préfet agira seul. Conformément à l'article 2 du projet de loi, les municipalités ayant pour obligation de se doter d'aires aménagées dans un délai de deux ans, suivant l'approbation du schéma départemental, pourront transférer cette compétence à un Etablissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou participer à l'aménagement et à l'entretien de ces espaces, dans le cadre de conventions. En cas de non respect des obligations définies par la législation, l'Etat pourra se porter acquéreur des terrains, réaliser les travaux et gérer les aires d'accueil pour le compte et à la charge de la collectivité ou de l'établissement public défaillant. Des moyens juridiques renforcés .
Les
dépenses d'investissement seront financées à concurrence de 70 % par l'Etat,
dans la limite d'un plafond fixé par décret. Elles couvriront près de la moitié
des frais de fonctionnement et seront cumulables avec d'autres aides (région,
département, CAF,…).
Le conseil général apportera une aide complémentaire. Quant aux gens du voyage,
ils acquitteront un droit d'usage. Les communes satisfaisant aux dispositions
fixées par la loi disposeront de moyens juridiques renforcés, en vue de mettre
fin aux stationnements illicites. Le maire pourra interdire, par arrêté, le
stationnement en dehors des aires d'accueil. Le cas échéant, il sera habilité
à saisir le président du tribunal de grande instance pour voir ordonner l'évacuation
des caravanes situées sur des terrains publics ou privés.
Par ailleurs, le texte favorise les projets de sédentarisation, en facilitant l'aménagement de " terrains familiaux ". Afin de limiter les procédures d'expulsion, le juge pourra assortir son ordonnance d'une injonction de rejoindre l'aire aménagée ou d'une interdiction de résider sur le territoire communal. Celle-ci vaudra décision d'expulsion de tout autre terrain occupé illicitement, sous huitaine. Une procédure qui évitera aux mairies d'engager des frais de justice pouvant varier de 7 000 à 13 000 francs. Ces prescriptions valent également pour le domaine public et seront prises sous forme de référés.
Dix ans après le vote de la première loi, Louis Besson a su tirer les enseignements des difficultés liées à son application. De l'aveu de Daniel Vauchez, député de Seine-et-Marne, le dispositif gouvernemental doit " permettre la réalisation d'un maximum d'aires de stationnement dans un minimum de temps et répondre ainsi aux besoins des gens du voyage. Sa réussite dépendra de la volonté de tous de mettre en œuvre les dispositions qu'il contient ".