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LES COLLECTIVITES LOCALES ET L'URBANISME COMMERCIAL

La réglementation de l'urbanisme commercial a vu le jour avec la loi du 27 décembre 1973 dite " loi Royer ". Celle- ci a pour objectif principal de maîtriser le développement des grandes surfaces par l'instauration d'une procédure d'autorisation d'implantation, d'extension ou de changement d'activité dans les communes.

La loi Doubin du 31 décembre 1990, puis la loi Sapin du 29 janvier 1993, enfin la loi Raffarin du 05 juillet 1996, ont élargit considérablement le champ d'application de la réglementation, d'une part en diminuant les seuils à partir desquels une autorisation est nécessaire, d'autre part en adjoignant de nouvelles activités à celles qui étaient déjà soumises à la réglementation de l'équipement commercial, terme qui remplace désormais celui d'urbanisme commercial. Le législateur a de plus dénié aux communes tout pouvoir de décision autonome, tant en raison des objectifs qu'il tend à sauvegarder, qu'afin d'éviter les collusions suspectes entre élus locaux et représentants du commerce, susceptibles de déboucher sur des cas de corruption.

En effet, la loi Royer, telle que modifiée en 1996, tend à maintenir la liberté d'entreprendre et l'existence d'une concurrence claire et loyale, ainsi qu'à éviter la disparition des petits commerces et le gaspillage des équipements commerciaux. Elle oblige également à prendre en compte l'emploi, l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme.

Enfin, elle pose des objectifs généraux de politique commerciale. Le respect de ces objectifs a conduit le législateur à imposer l'édiction d'une seule et même réglementation, d'application nationale, évinçant toute possibilité de prendre en compte les contextes locaux et d'adapter la réglementation aux spécificités locales. Par voie de conséquence, il a confié le pouvoir de décider d'accorder ou non l'autorisation à des commissions départementales d'équipement commercial et non aux communes intéressées.

La composition et le fonctionnement de ces dernières permettent cependant aux élus locaux, directement concernés par l'implantation, l'extension ou le changement d'activité d'une grande surface, de conserver, d'une part un rôle d'arbitre dans la prise de décision, d'autre part un recours en appel auprès d'une commission nationale d'équipement commercial. Participant aux réunions et votes de la commission départementale d'équipement commercial, ils sont donc directement intéressés tant par le régime juridique de l'autorisation que par la procédure d'autorisation.

I) LE REGIME JURIDIQUE DE L'AUTORISATION


Le régime juridique de l'autorisation tient au champ d'application de la réglementation d'équipement commercial, et aux sanctions pénales applicables aux professionnels en cas de violation.

1- Le champ d'application de la réglementation

L'autorisation requise dans la réglementation d'équipement commercial n'est exigible que pour certaines activités commerciales, et à partir d'un certain seuil de surface de vente. La taille de la commune est désormais sans importance du point de vue du régime de l'autorisation. Les activités soumises à l'autorisation d'exploitation commerciale Sont ainsi soumis à l'autorisation de la commission départementale d'équipement commercial :
- La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 m2, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant. Une circulaire du 10 mars 1976 définit le magasin de commerce de détail comme tout magasin ouvert au public où s'effectue la vente de marchandises à emporter en quantités correspondant aux besoins d'un consommateur ordinaire.

- L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 300m2 ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Est considérée comme une extension l'utilisation supplémentaire de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile, qui n'entre pas dans la catégorie des ventes au déballage et opérations assimilées.

- Tout changement de secteur d'activité d'un commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1500 m2, ce seuil étant ramené à 300 m2 lorsque l'activité nouvelle du magasin est à dominante alimentaire. - La création ou l'extension d'un ensemble commercial d'une surface de vente supérieure à 300 m2 ou devant dépasser ce seuil par la réalisation du projet, tel que défini à l'article 29-1 de la loi. En vertu de ce texte, sont assimilés à une création ou à une extension de commerce de détail les magasins réunis sur un même site qui : . ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou plusieurs tranches ; . bénéficient d'aménagements conçus pour faciliter l'accès de la clientèle aux divers établissements ; . gèrent en commun certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l'utilisation de pratiques de publicités commerciales communes, comme peuvent l'être par exemple l'identité de nom commercial, la communauté de publicité ou de campagne promotionnelle, ou encore la communauté de service d'accueil et d'orientation ; . sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé exerçant sur elle une influence au sens du droit des sociétés commerciales. La réunion de magasins de commerce de détail sur un même site constituera un ensemble commercial dès qu'une seule de ces quatre conditions sera réunies. Par site, il faut entendre, selon une circulaire du 05 janvier 1991, un emplacement géographique appelé à recevoir des activités commerciales.

- Les installations et extensions d'équipement cinématographiques de plus de 1500 places résultant, soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'immeubles existants. Pour les projets d'extension concernant des salles exploitées depuis plus de cinq ans, la loi relève le seuil de 1500 à 2000 places.

- Les constructions nouvelles, extensions ou transformations d'immeubles existants, entraînant la constitution d'établissements hôteliers d'une capacité supérieure à 30 chambres hors la région d'Ile-de-france et à 50 chambres en région Ile-de-France.

- Les installations de distribution au détail de carburants, quelqu'en soit la surface de vente, annexées à un magasin de commerce de détail ou à un ensemble de commerces de détail, exception faite pour les stations-service situées sur le domaine public des autoroutes et des routes express. L'autorisation est dès lors exigible en cas de création comme en cas d'extension dès que la surface de 300 m2 de l'ensemble formé par la station et le magasin de commerce de détail est dépassé.

- La réouverture de magasins dont les locaux ont cessé d'être exploités pendant deux ans. Les activités non soumises à l'autorisation d'exploitation commerciale Echappent à l'autorisation de la commission départementale d'équipement commercial, outre les activités en principe soumises à l'autorisation mais n'ayant pas atteint le seuil rendant celle-ci exigible :

- Les établissements hôteliers situés dans les départements d'outre-mer ;

- Les pharmacies ; - Les halles et marchés d 'approvisionnement au détail, couverts ou non, établis sur les dépendances du domaine public et dont la création est décidée par le conseil municipal, ainsi que les parties du domaine public affecté aux gares ferroviaires d'une surface maximum de 1000 m2 ; - La création ou l'extension de garages ou de commerces de véhicules automobiles disposant d'ateliers d'entretien et de réparation, lorsque leur surface de vente n'excède pas 1000 m2 ; - Les regroupements de surface de vente de magasins voisins, sans création de surface de vente supplémentaire, n'excédant pas 1000 m2, ou 300 m2 lorsque l'activité nouvelle est à prépondérance alimentaire ; - Les équipements commerciaux réalisés dans les zones d'aménagement concertées crées dans un centre urbain. Il faut donc tenir compte ici non pas de la totalité des surfaces mais des différentes opérations individuelles ; - La vente au déballage, permettant aux exploitants de prolonger sous chapiteau ou sur parc de stationnement la surface de vente autorisée. Elle est définit comme toute vente extérieure au magasin par " l'utilisation de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile ". Une autorisation préfectorale est requise chaque fois que la vente s'effectue sur une surface de plus de 300 m2 toutes superficies incluses. En revanche, l'autorisation municipale est suffisante lorsque la vente s'effectue sur une surface inférieure. La commune retrouve donc ici toute compétence. La loi Raffarin du 05 juillet 1996 a prévu, à titre de dispositions transitoires, l'annulation des demandes d'autorisation enregistrées avant sa date de publication et l'obligation de procéder à leur nouvel enregistrement après mise en conformité avec les nouvelles dispositions législatives et réglementaires. Les pétitionnaires ont donc perdu le bénéfice de la législation antérieure. Elle précise que l'entrée en vigueur du nouveau régime d'autorisation est renvoyé au décret d'application. Ce dernier étant survenu le 26 novembre 1996, c'est à cette date que les demandes ont été recevables. En cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, et donc des dispositions concernant le champ d'application de la réglementation d'équipement commercial, des sanctions pénales sont expressément prévues.

2- Les sanctions pénales applicables

Les autorisations étant désormais délivrées pour les magasins par m2 de surface de vente, pour les cinémas par place offerte aux spectateurs, pour les hôtels par chambre, et pour les installations de carburant par position de ravitaillement, il en résulte que tout dépassement d'une seule unité des autorisations délivrées est punissable sans préalable d'une mise en demeure. La peine d'amende a une nature contraventionnelle ( contravention de cinquième classe ) et est égale à 10.000 francs par jour et par m2, ou place, chambre, poste de ravitaillement, et est doublée en cas de récidive. Chaque jour d'exploitation constitue une infraction, la jurisprudence appliquant l'amende au nombre de jours d'exploitation, jours de fermeture inclus. En outre, la responsabilité de la personne morale peut être mise en jeu et venir s'ajouter à celle du dirigeant social. Enfin, la confiscation des meubles meublants et des marchandises garnissant la surface de vente irrégulièrement exploitée peut être prononcée par le juge à titre de peine accessoire. Les professionnels exerçant ou souhaitant exercer des activités commerciales entrant dans le champ d'application de la réglementation d'équipement commercial doivent se soumettre à la procédure d'autorisation instituée par la réglementation, dans laquelle les élus locaux sont appelés à jouer un rôle non négligeable.

II) LA PROCEDURE D'AUTORISATION


1- La demande d'autorisation


Les conditions de recevabilité des demandes La demande d'autorisation, qui doit être adressée aux services préfectoraux du département intéressé par le projet, comprend une description du projet et de l'étude de marché effectuée par le requérant, ainsi que l'enseigne bénéficiaire éventuelle de l'autorisation. La demande de changement d'activité doit en outre être accompagnée d'un document justifiant que le demandeur dispose du droit d'exploiter le local commercial dans le nouveau secteur d'activité ( bail, titre de propriété ou autorisation du propriétaire ).

En outre, l'obligation de déposer un certificat d'urbanisme déclarant que le terrain peut être utilisé pour l'opération envisagée disparaît. Les commissions pourront donc délivrer des autorisations pour des projets prévus sur des terrains inconstructibles.

Enfin, il faut préciser que les formalités ne sont pas les mêmes selon l'importance du projet. En effet, les demandes portant sur des projets inférieurs à 1000 m2 de surface de vente bénéficient d'une procédure simplifiée en étant dispensées de la production de l'étude d'impact économique. Au contraire, les demandes portant sur la création d'un magasin de commerce de détail ou d'un ensemble commercial d'une surface de vente excédant 6000 m2, doivent être accompagnées des conclusions d'une enquête publique portant sur les aspects économiques, sociaux et d'aménagement du territoire du projet.

L'obligation ne concerne cependant que la création, et non l'extension ou le changement d'activité. Les conditions de délivrance de l'autorisation La demande d'autorisation, déclarée recevable par les services préfectoraux, est examinée par la commission départementale d'équipement commercial du département intéressé. Elle bénéficie d'un délai de quatre mois pour statuer sur la demande. Elle doit tenir compte de différents critères, qui sont directement induits des objectifs poursuivis par le législateur dans l'élaboration de la réglementation d'équipement commercial.

Les projets soumis à l'autorisation doivent en effet répondre aux exigences de l'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement, et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'aménagement des conditions de travail des salariés. Il faut ajouter, en ce qui concerne les projets de création d'établissements hôteliers, que la commission doit statuer en prenant en considération un élément supplémentaire : la densité d'équipement hôtelier dans la zone concernée par le projet.

En outre, l'impact éventuel du projet en termes d'emplois salariés et non salariés doit être pris en compte. Ainsi, le nombre d'emplois attendus, et le nombre d'emplois supprimés dans les entreprises avoisinantes, du fait du projet, doit être évalué, afin de mesurer la participation du projet au développement de l'emploi. Enfin, les demandeurs projetant de créer des magasins de détail à prédominance alimentaire doivent s'engager à réaliser des investissements dans les zones de redynamisation urbaine ou les territoires ruraux de développements prioritaires. Aucun contrôle a posteriori n'est cependant organisé pour vérifier l'existence des investissements prévus.

2- La procédure au niveau départemental

L'autorisation est délivrée par la commission départementale d'équipement commercial qui a seule compétence en la matière. Les communes d'implantation ne sont autorisées à émettre leur avis qu'au sein de la commission dont elles font partie. Celle-ci étant de plus composée en fonction des critères techniques d'appréciation évoqués précédemment, c'est à dire de personnalités compétentes dans ces domaines particuliers, les élus locaux concernés par le projet ne peuvent se prononcer seuls sur la demande. Le pouvoir de décision autonome leur est donc soustrait.

Le fonctionnement de la commission leur permet néanmoins de jouer le rôle d'arbitre dans la prise de décision. La composition des commissions départementales d'équipement commercial Les commissions sont composées de six membres, dont :
- le maire de la commune d'implantation,
- le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement (autre que la commune d'implantation),
- un représentant de l'établissement public de coopération intercommunale en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est membre la commune d'implantation ou, à défaut, le conseiller général du canton d'implantation,
- le président de la chambre des métiers,
- le président de la chambre du commerce et de l'industrie,
- un représentant des associations de consommateurs.

Ainsi, le nombre des élus au sein de la commission est de trois, tandis que les intérêts économiques du commerce et de l'artisanat ne disposent que de deux voix.
La commission est présidée par le préfet, qui la compose pour examiner chaque dossier, mais qui ne prend pas part au vote. Lorsqu'elle statue sur les demandes de création d'équipements hôteliers, la commission doit recueillir l'avis préalable de la commission départementale d'action touristique, avis présenté par le délégué régional au tourisme, qui assiste à la séance.

Enfin, les projets de création de salles cinématographiques sont examinés par la commission départementale d'équipement cinématographique, comportant, en plus des membres composant la commission départementale d'équipement commercial, un membre du comité consultatif de la diffusion cinématographique. Le fonctionnement des commissions départementales d'équipement commercial Après examen du dossier, la commission se prononce par un vote à bulletin nominatif et décide à une majorité qualifiée si l'autorisation doit être accordée ou refusée. Il faut donc un vote favorable de quatre voix sur six.

Cette règle de majorité renforce le rôle d'arbitrage des élus. Leurs suffrages paraissent ainsi exercer une influence déterminante sur la décision, puisque leur seule abstention voue à l'échec l'obtention de l'autorisation, la majorité qualifiée devenant impossible. Il faut préciser que les membres de la commission doivent informer le préfet des intérêts qu'ils détiennent dans le projet, au moyen d'un formulaire que chaque participant doit remplir, ceci afin d'éviter toute collusion.

La décision d'autorisation doit décrire le projet autorisé, mentionner la surface de vente totale et le secteur d'activité de chaque magasin de plus de 300 m2, ainsi que la ou les enseignes désignées. La décision, qu'elle autorise ou refuse le projet, doit être motivée, et peut faire l'objet d'un recours devant la commission nationale d'équipement commercial. Les mêmes règles de fonctionnement s'appliquent aux commissions départementales d'équipements cinématographiques.

3- La procédure au niveau national

Organisée sous la forme d'une autorité administrative indépendante, la commission nationale d'équipement commercial apparaît comme une instance administrative d'appel. Elle ne peut être saisie que par le préfet, ou par le demandeur qui s'est vu refuser l'autorisation d'exploitation, ou encore par deux membres de la commission départementale, dont un élu obligatoirement.

La composition de la commission nationale d'équipement commercial Elle est composée de huit membres nommés pour six ans dont :
- un membre du Conseil d'Etat qui préside la commission,
- un membre de la Cour des comptes,
- un membre de l'inspection générale des finances,
- un membre du corps des inspecteurs généraux de l'Equipement,
- quatre personnalités désignées pour leur compétence en matière de distribution, de consommation, d'aménagement du territoire, et d'emploi.

La commission est renouvelée par moitié tous les trois ans. En matière cinématographique, la composition de la commission est modifiée afin que des personnalités compétentes en la matière puissent siéger. Le fonctionnement de la commission nationale d'équipement commercial Après examen de la demande d'autorisation et de la décision de la commission départementale, la commission se prononce par un vote dont les scrutins sont secrets. La majorité qualifiée n'étant pas exigée pour l'adoption de la décision, une majorité simple suffit, c'est à dire un vote de cinq voix sur huit. En cas de partage des voix, le président de la commission a voix prépondérante.

Lorsque la commission nationale rejette une demande d'autorisation pour un motif de fond, il ne peut être déposé de nouvelle demande par le même pétitionnaire, pour un même projet, sur le même terrain, pendant un délai d'un an à compter de la date de la décision de la commission nationale. Les décisions de la commission nationale d'équipement commercial sont cependant susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

 

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