LE DELIT DE FAVORITISME
Ce
délit, prévu par l'article 432-14 du N.C.P. constitue une infraction
économique de droit commun créé par la loi du 3 janvier 1991
relative à la transparence et à la régularité des procédures
dans les marchés publics afin de renforcer le contrôle a priori
de ces marchés en pleine expansion.
Il
réprime le fait de procurer ou de tenter de procurer à autrui
un avantage injustifié par un acte contraire aux lois et aux
règlements ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et
l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations
de service public.
La tentative est sanctionnée. Il n'est en effet pas nécessaire
que l'avantage injustifié ait été effectivement accordé. L'avantage
est injustifié dès l'instant où le fournisseur ou l'entrepreneur
est choisi par une personne publique alors qu'il n'aurait pas
dû l'être si les règles de passation des marchés publics avaient
été respectées. (par ex. les procédures normales de mise en
concurrence, les délais de publicité, l'appel d'offres, la composition
du jury de concours etc…).
Aux
termes de la circulaire de M. Sapin en date du 4 juin 1992,
constitue un avantage injustifié, la présence locale, le partage
d'un marché entre plusieurs entrepreneurs, la désignation d'une
marque ou d'un procédé technique de sorte qu'une seule entreprise
sera en mesure de répondre…
Ainsi, le 16 mai 1995, le TGI d'Avranches a condamné le maire
d'une commune pour avoir attribué à deux entrepreneurs locaux
des lots de travaux à effectuer dans un atelier municipal. Le
délit de favoritisme peut être imputable non seulement aux élus
des collectivités territoriales mais également à tous ceux qui
ont participé à un degré ou à un autre à la procédure d'attribution
des marchés que ce soient les responsables du marché, leurs
collaborateurs ou conseils, le personnel territorial qui a participé
à la préparation technique du marché ou les membres des commissions
d'appel d'offres et des commissions de travaux.
La
loi du 3 janvier 1991 range ce délit dans la catégorie des délits
involontaires c'est à dire que la faute pénale consiste soit
à ne pas prévoir les conséquences dommageables de l'acte que
l'on accomplit, soit à ne pas prendre les précautions nécessaires
pour les empêcher de se produire.
Selon
les débats parlementaires, peu importe le mobile du délit et
peu importe que son auteur ait agi par erreur. Une négligence,
une indiscrétion voire un bavardage intempestif pourraient tomber
sous le coup de l'incrimination.
Le
Nouveau Code Pénal replace t - il ce délit dans la catégorie
des délits intentionnels ? La question n'est pas clairement
tranchée. Cependant, selon l'article 121-3 du N.C.P, il n'y
a pas de crime ou de délit sans intention de le commettre. L'élément
intentionnel est donc présumé dans la mesure où l'auteur du
délit, qui est nécessairement un professionnel des marchés publics,
ne pouvait ou ne devait, de par ses fonctions, ignorer qu'il
contrevenait à la loi ou aux règlements. Peut-il alors obtenir
une exonération de sa responsabilité en invoquant l'erreur de
droit (art. 122-3 N.C.P.) ?
Pour bénéficier de cette exonération, l'auteur de l'infraction
devra établir qu'il n'était pas en mesure d'éviter cette erreur.
Mais
la loi exige une erreur véritablement invincible et tel est
le cas, selon les débats parlementaires, d'une information erronée
fournie par l'autorité administrative interrogée préalablement
à l'acte et le défaut de publicité du texte normatif. L'opacité
de certaines règles du droit des marchés publics pourrait alors
être invoquée par les personnes mises en cause.
Le
chef de la Mission interministérielle d'enquête créée par la
loi du 3 janvier 1991 a d'ailleurs lui-même reconnu la complexité
de la réglementation en la matière.
Le
délit de favoritisme est réprimé de deux ans d'emprisonnement
et de 200.000 francs d'amende.
Toute
personne physique ou morale s'estimant victime du délit peut
directement saisir la juridiction pénale tout comme le Procureur
de sa propre initiative ou à la demande du Premier Ministre
et du Ministère de l'Economie et des Finances suite au rapport
d'enquête émis par la Mission, laquelle n'a à cet égard aucun
pouvoir de sanction.
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